Ou comment contester une offre irrégulière devant le tribunal de commerce
Les faits
Un syndicat intercommunal ayant pour objet la gestion d’un centre aquatique souhaite déléguer son exploitation commerciale et technique. Deux sociétés présentent leur offre lors d’une procédure de mise en concurrence de la délégation de service public.
La délégation est remportée par l’une d’elles.
La candidate évincée souhaite contester en justice.
Jusque-là, le scénario est classique dans le domaine des marchés publics.
Mais au lieu de saisir le juge administratif en contestation de la procédure de passation, la candidate évincée opte pour une procédure devant le tribunal de Commerce en concurrence déloyale.
Ce choix audacieux n’a pas manqué de soulever une question de compétence de la juridiction.
Qu’allait dire la Cour de Cassation ?
Revenons auparavant sur la spécificité de l’action en concurrence déloyale.
L’action en concurrence déloyale
A la différence des recours administratifs qui remettent en cause le bon déroulé de la passation mise en œuvre par la personne publique et se fondent sur les principes d’égalité des candidats et de transparence de la procédure, l’action en concurrence déloyale ne concerne que les deux sociétés commerciales privées.
Elle peut être engagée afin de réparer le préjudice né :
– du dénigrement
– de l’imitation et de la confusion
– de la désorganisation économique
Dans l’affaire en cause, la société poursuivie se voyait reprocher des faits de désorganisation économique car elle avait proposé des tarifs plus avantageux en usant à l’égard de ses salariés d’une convention collective inapplicable.
Or, la contestation de la procédure de passation devant le tribunal administratif peut aussi avoir pour objet de dénoncer une offre irrégulière ne respectant pas la réglementation en vigueur.
Le dernier mot de la Cour de Cassation
La Cour de cassation n’a pas estimé que la contestation des offres formulées dans le cadre d’une candidature à un marché public relevait du domaine exclusif du juge administratif. Au contraire, elle admet qu’une action en concurrence déloyale soit portée devant le juge judiciaire alors que le litige trouve son origine dans une procédure de passation d’un contrat public :
« Il résulte de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III qu’une action en concurrence déloyale exercée entre deux personnes de droit privé relève du juge judiciaire, même si les actes déloyaux ont eu lieu à l’occasion de la passation ou de l’exécution d’un contrat public. »
et ce,
« peu import[e] que la faute ainsi reprochée, si elle était établie, soit de nature à rendre, à elle seule, irrégulière l’offre soumise dans la procédure de passation ».
Cour de cassation, 25 juin 2025, Pourvoi n° 24-18.905
Décision attaquée : Cour d’appel d’Angers, 2 juillet 2024, n°24/00220