Entrée en vigueur de la réforme de l’amiable. Décret du 18 juillet 2025
Extrait :
Quelle configuration pour une conciliation réussie ?
La réforme engagée par le décret du 18 juillet 2025 incite à recourir davantage à la conciliation et à la médiation pour les parties à un litige qui ont déjà saisi l’institution judiciaire.
Retenons simplement ici que le conciliateur de justice a la possibilité de proposer aux parties des solutions de résolution amiable, contrairement au médiateur, et que son office est bénévole et gratuit.
Cet article étudie les conditions dans lesquelles une conciliation de justice a de bonne chances de succès.
1. Certains domaines du droit sont plus propices à l’amiable
En effet, certaines matières du droit sont déjà imprégnées par la culture de la négociation. Il en va ainsi par exemple du contentieux contractuel, qu’il s’agisse de contrats privés, civils ou commerciaux, ou de contrats publics. Les cocontractants sont déjà passés par une phase de négociation du contrat avant la signature de celui-ci et ont même pu prévoir des clauses résolutoires ou de responsabilité en cas de différend.
Dès lors, la conciliation qui doit donner lieu dans le meilleur des cas à un accord entre les parties, éventuellement homologué par le juge, n’est qu’un prolongement des relations contractuelles sous le sceau de la négociation, des concessions réciproques et de l’équilibre général de l’économie du contrat.
En revanche, certaines matières sont difficilement compatibles avec l’accord amiable et notamment les procès mettant en jeu les droits fondamentaux ou les libertés publiques.
Par ailleurs, le juge ne peut en aucun cas homologuer un accord contraire à l’ordre public.
2. Les parties souhaitent éviter l’aléa judiciaire
“Mieux vaut un mauvais accord qu’un bon procès”, tel est l’adage bien connu des praticiens des modes amiables.
L’intérêt premier d’une conciliation est de permettre aux parties de décider de la solution qu’elles veulent donner au litige, ce qui permet de mieux maîtriser les risques liés nécessairement à toute action en justice.
Ainsi, l’espace de dialogue ouvert par la conciliation et encadré avec l’appui du conciliateur permet de réduire les incertitudes pour les deux parties.
3. Les parties souhaitent bénéficier de la confidentialité
Le demandeur peut profiter du fait que le défendeur possède dans certains cas un intérêt à éviter une condamnation publique et une atteinte à sa réputation.
En effet, le défendeur peut voir son avantage à accepter de dédommager son poursuivant mais sans reconnaissance de responsabilité dans les faits reprochés, ce que permet parfaitement la conciliation de justice.
4. Les parties souhaitent maîtriser les délais judiciaires
De même, la conciliation peut être un facteur d’accélération des délais de justice, comme j’en ai fait l’expérience en tant qu’avocat.
Les deux parties ont toujours un intérêt à ce que la procédure ne se prolonge pas trop, ne serait-ce qu’en raison des frais de justice que cela implique.
5. Les parties souhaitent se prémunir de l’éventualité d’une voie de recours
Enfin, la conciliation de justice, si elle est couronnée de succès, se conclut par un accord qui met fin au litige.
Cet accord, homologué par le juge vaut titre exécutoire.
Les parties savent dès lors que le contentieux initial ne nécessitera pas de mobiliser des voies de recours telles qu’un procès en appel ou en cassation.
En conclusion, exceptées les affaires complexes touchant aux droits fondamentaux et aux libertés publiques, par exemple, les justiciables ont toujours intérêt à tenter une conciliation au cours de la procédure judiciaire. Cette voie ouverte aux parties ne leur retire pas la possibilité de poursuivre leur procès et de s’en remettre au juge si aucun accord n’est trouvé.
Introduction et apports principaux du décret du 18 juillet 2025
Cet article est le premier d’une série de quatre épisodes consacrés aux modes de résolution amiable qui auront pour objet :
Une introduction aux modes amiables et les apports principaux du décret du 18 juillet 2025
Quelle configuration pour une conciliation réussie ?
La procédure participative de mise en état, quel intérêt pour le justiciable ?
Les modes amiables appliqués aux contentieux de la commande publique
Au 1er septembre 2025, la dernière réforme des modes amiables de règlement des différends entrera en vigueur. Le décret du 18 juillet 2025 constitue en effet la dernière évolution du cadre juridique français concernant l’amiable. Il apporte non seulement une re-codification et une clarification des textes mais également des innovations procédurales afin de promouvoir un peu plus les techniques de l’amiable.
Petite histoire des modes amiables en France
Si les modes amiables apparaissent dans la loi française dès 1995, il faut attendre 2011 et la transposition de plusieurs directives européennes pour qu’un corpus de droit français dédié à l’amiable ne naisse.
a) L’introduction des modes amiables en France sous l’influence européenne
Le droit européen a d’abord introduit les modes amiables dans les matières civiles et commerciales et dans le cadre des litiges de la consommation.
La directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale donne ainsi le droit à tout juge d’inviter les parties à recourir d’abord à la médiation s’il estime qu’elle est appropriée compte tenu des circonstances de l’affaire.
Elle pose aussi les principes de confidentialité de la médiation et de suspension des délais de prescription pendant la mesure de médiation.
La directive 2013/11/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation a été à l’origine de la création du médiateur de la consommation.
b) Depuis 2015, la consolidation de l’amiable en droit français
A partir de 2015, plusieurs lois françaises ont considérablement étendu le champ du recours aux modes amiables.
La loi n° 2015-990 du 6 août 2015, autorise le recours à la médiation et à la conciliation conventionnelles ainsi qu’à la procédure participative assistée par un avocat lors d’un contentieux en droit du travail devant les prud’hommes. Le bureau de conciliation et d’orientation est alors chargé d’homologuer l’accord.
La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 formalise une autre étape importante :
elle rend obligatoire la tentative de conciliation devant un conciliateur de justice, si l’objet du litige est inférieur à 4.000 euros,
elle prévoit la possibilité de recourir à la procédure participative assistée par un avocat même si le juge est déjà saisi du litige,
elle introduit la médiation judiciaire devant les tribunaux administratifs
elle permet l’expérimentation de la tentative de médiation obligatoire en droit de la famille, dans 11 tribunaux judiciaires
Enfin, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 autorise le juge à enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur qu’il désigne et qui pourra les informer sur l’objet et le déroulement d’une procédure de médiation « en tout état de la procédure, y compris en référé, lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible ».
Son décret d’application n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 précise que, pour les litiges n’excédant pas 5 000 euros ou pour certaines actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 (actions en bornage) et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire, la demande en justice doit, obligatoirement et à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative.
Cette loi a également introduit la médiation en ligne dans le système juridique.
Le décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025, portant réforme de l’instruction conventionnelle et re-codification des modes amiables de résolution des différends, vient ainsi compléter l’élaboration du cadre juridique français des modes amiables qui s’est accélérée depuis ces dix dernières années.
1995
Loi relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative
2008
Directive européenne sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale
2011
Ordonnance de transposition qui crée le Livre V du code de procédure civile « Résolution amiable des différends »
2013
Directive européenne relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation
2015
Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques
2016
Loi de modernisation de la justice du XXIe siècle
2019
Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice – Décret réformant la procédure civile – Décret relatif à la certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage
2025
Décret portant réforme de l’instruction conventionnelle et re-codification des modes amiables de résolution des différends
Avant de passer en revue les nouveautés du décret, quelques précisions de vocabulaire peuvent être apportées.
Le lexique des modes amiables
Les modes amiables sont une alternative à la procédure contentieuse.
Toutefois cela ne signifie pas que les procédures amiables s’abstraient du cadre judiciaire. En règle générale, elles sont initiées par le juge qui oriente les parties vers une mesure amiable. De même, à l’issue de celle-ci, en cas de succès, l’accord trouvé est homologué par le juge. En cas d’échec, le juge reprend la main et le litige reprend le cours de la procédure judiciaire ordinaire.
Plusieurs mesures amiables sont possibles : la conciliation, la médiation, la procédure participative, les audiences de règlement amiable (ARA), la transaction. Toutes ces mesures ont leurs spécificités. Pour y voir plus clair voici leur définition respective :
CONCILIATION :
Processus confié à un conciliateur de justice bénévole et gratuit. Le conciliateur de justice aide les parties à trouver une solution négociée à leur litige. Il a la possibilité de proposer une ou plusieurs solutions aux parties. Il peut également établir lui-même le constat d’accord.
Une mesure de conciliation peut être prononcée à l’initiative du juge ou des parties.
MÉDIATION :
Processus structuré entre deux ou plusieurs parties, qui avec l’aide d’un médiateur choisi par elles ou désigné par le juge avec leur accord, recherchent une solution mutuellement satisfaisante. Le médiateur ne peut pas proposer de solutions, sa présence garantit simplement l’ouverture et l’organisation d’un espace de dialogue permettant d’envisager la résolution du différend.
La médiation n’est pas soumise au principe du contradictoire : le médiateur peut échanger seul avec l’une des parties et le cas échéant son conseil. Il peut également échanger avec les conseils hors la présence des parties.
L’accord trouvé est formalisé par acte d’avocat.
Le médiateur est rémunéré par des honoraires, partagés entre les parties.
AUDIENCES DE RÈGLEMENT AMIABLE (ARA) :
Elle est menée par un juge qui ne siège pas dans la formation de jugement. Le juge se fait alors lui-même conciliateur. Jusqu’à la réforme du 1er septembre 2025, l’ARA n’était ouverte que devant le tribunal judiciaire en procédure écrite ordinaire avec représentation obligatoire par un avocat et devant le président du tribunal judiciaire et le juge des contentieux de la protection saisis en référé.
Elle n’entraîne aucun coût supplémentaire pour les parties.
La convocation à une ARA est faite à la demande des parties ou de l’une d’entre elles. Elle peut aussi être faite d’office par le juge après avoir recueilli l’avis des parties.
Un procès-verbal d’accord est dressé et signé par le juge. L’extrait de procès-verbal vaut titre exécutoire. Les parties peuvent aussi choisir de formaliser leur accord dans un acte contresigné par avocats, et demander au greffier de la juridiction d’apposer la formule exécutoire.
TRANSACTION :
Désigne à la fois le processus et le contrat qui en résulte. Une transaction ne fait pas intervenir de tiers (conciliateur, médiateur ou juge). Elle est formalisée par les avocats des parties et peut être homologuée par le juge.
PROCÉDURE PARTICIPATIVE :
Il faut distinguer
1/ la procédure participative qui est mise en place par les parties assistées de leur avocat avant toute saisine du juge.
Elle est une forme de transaction étendue, prévoyant dans un contrat initial les modalités mêmes de la négociation.
2/ la procédure participative aux fins de mise en état qui intervient lorsqu’une partie a déjà saisi le juge
Elle permet aux avocats de s’accorder sur les conditions de la mise en état (sans avoir recours au juge) et elle laisse aux partie la possibilité de trouver un accord amiable.
Apports et innovations du décret du 18 juillet 2025, applicable au 1er septembre 2025 aux instances en cours
Le décret du 18 juillet 2025 a pour double objectif de re-codifier afin de rendre plus lisibles les dispositions qui concernent les modes amiables et de promouvoir leur usage par une série d’innovations dont les principales sont les suivantes :
L’introduction d’une instruction conventionnelle simplifiée (par rapport à la procédure participative aux fins de mise en état)
La possibilité nouvelle pour un expert (technicien) de concilier les parties
L’allongement de la durée initiale de conciliation et de médiation à 5 mois au lieu de 4. Une seconde période de prolongation peut être décidée pour trois mois supplémentaires
La sanction par une amende civile pouvant s’élever au maximum à 10 000€ en cas de non-respect de l’injonction du juge de rencontrer un conciliateur de justice ou un médiateur
L’extension du champ d’application de l’audience de règlement amiable (ARA) à toutes les juridictions. L’ARA n’est donc plus réservée à certaines procédures devant le tribunal judiciaire
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